Un match pas comme les autres. Un derby turc. Un match si disputé qu’aucune des deux équipes n’a jamais mené de plus de huit points. Mais aussi un match sur lequel les arbitres n’étaient que … deux sur le terrain ! En exclusivité, les explications d’Eddie Viator pour Referee Time.
« La bonne nouvelle c’est que le match aura bien lieu. La mauvaise, c’est qu’il y en a un d’entre vous qui est positif »
Commissaire de la rencontre aux arbitres, sur le parking de la salle
L’arbitre français Eddie Viator était en déplacement en Turquie pour officier sur le derby opposant Karsiyaka et Tofas Bursa, match de playoffs en Basketball Champions League. Arrivé sur place, il rejoint ses deux collègues, Martin Horozov (BUL) et Carsten Straube (ALL). Ayant fait un test PCR le matin du match pour pouvoir prendre le vol retour, les trois arbitres devaient avoir leurs résultats le soir même. Et arrivé à la salle, mauvaise nouvelle pour le trio …
« On arrive à la salle et pile au moment où on se gare, on est arrêté et le téléphone du délégué sonne », nous confie Eddie. « Il parle en turc. Après avoir raccroché, il nous dit : « bon les gars, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle c’est que le match aura bien lieu. La mauvaise, c’est qu’il y en a un d’entre-vous qui est positif ». Il regarde directement Martin Horozov et il lui dit qu’il s’agit de son test à lui. »
Et en cette période particulière, un seul mot d’ordre : l’adaptation. Martin Horozov rentré à l’hôtel, Eddie Viator et Carsten Straube ont dû siffler à deux. Et l’arbitre allemand – deutsch Schiedsrichter comme on dit dans le jargon – est un habitué des matchs à deux car il avait déjà dû effectuer cette mission lors d’une précédente rencontre en Basketball Champions League !
« J’ai appelé le responsable des arbitres pour lui expliquer la situation. Il était déjà au courant et il était détendu, presque souriant au téléphone. Je lui ai demandé s’il n’y avait pas un autre arbitre disponible dans le coin pour éventuellement remplacer Martin et il m’a dit : « non, je ne peux rien faire, vous allez y aller à deux ! ». Il continue et il me dit « mais tu sais quoi ? Le dernier match de BLC que j’ai vu dirigé à deux arbitres, avec Carsten Straube d’ailleurs, c’était l’un des meilleurs arbitrage de la saison ! ».
« Je ne veux pas qu’on se cache derrière le fait qu’on soit deux ce soir. On doit faire comme si on était trois et garder le contrôle de la rencontre.»
Eddie à Carsten lors du briefing d’avant match.
Malgré cette nouvelle de dernière minute, pas de stress pour l’arbitre le plus titré de la décennie.
« Ça ne m’a pas du tout chamboulé dans ma préparation, parce que ça reste des automatismes que je ne change pas. À trois, à deux ou tout seul, la principale différence c’est le nombre de coups de sifflet. À deux, on double le nombre d’interventions au cours du match. »
Même si, en arrivant à la salle, les deux arbitres ont eu le droit à des questions comme « bah il est où le troisième ? » – « Üçüncüsü nerede? » en turc, comme dirait Shane Larkin -, les joueurs ont joué ce derby sans trop se préoccuper du duo franco-allemand.
« Les joueurs s’en moquaient de savoir s’il y avait deux ou trois arbitres. Eux ils voulaient juste gagner le derby ! Tout derby se gagne. Ça s’est joué comme un derby et on a arbitré comme un derby. On a dû sanctionner les deux équipes de fautes techniques, d’une antisportive, on a dû gérer des simulations, faire de la gestion … mais le mot d’ordre était la discipline. On devait garder le contrôle de la rencontre, quoi qu’il puisse se passer. J’ai dit à Carsten : « je ne veux pas qu’on se cache derrière le fait qu’on soit deux ce soir ». On devait faire comme si on était trois, quatre, cinq, six (rires), et garder le contrôle de la rencontre. Et à la fin, le match est sous contrôle et tous les acteurs de la rencontre nous ont fait confiance. »
Pour le francilien, la mécanique était un moment délicat au début de la rencontre. Il le dit lui-même : « Il fallait qu’on reprenne nos bases de mécanique à deux, ce qui n’a pas été simple au départ, avec quelques erreurs de précisions dans les placements ! ». Pas le temps de se replonger dans le manuel de l’arbitrage à deux avant le match donc, mais vous, vous avez le temps de le faire en cliquant ici ! Au moins comme ça, vous serez prêt si une situation de ce genre vous arrive …
« Je suis encore dans ma « prison luxueuse » jusqu’à samedi avant de repasser un test à l’issu duquel je pourrai ou non rentrer chez moi ! »
Martin Horozov à Eddie
Pour le bulgare Martin Horozov, c’est un confinement de dix jours en Turquie qu’il doit respecter avant de pouvoir rentrer chez lui. La FIBA a pris en charge l’intégralité des frais d’hôtel durant cette période et un changement de chambre a été opéré afin de lui donner un plus grand espace, pour que l’officiel, asymptomatique, puisse vivre un confinement calme et paisible en terre turque.
« On l’a eu au téléphone avant et après le match pour lui faire part de notre regret qu’il n’ait pas été avec nous sur la rencontre. Il nous a dit qu’il avait regardé le match et qu’il regrettait de ne pas avoir été de la partie » nous confesse Eddie. « Je suis encore dans ma « prison luxueuse » jusqu’à samedi avant de repasser un test à l’issu duquel je pourrai ou non rentrer chez moi ! », confie le bulgare à Eddie Viator, aujourd’hui au téléphone. Devenu donc cas contact, Eddie a passé deux tests PCR depuis et continu de vérifier son état pour ne contaminer personne en cas de contraction du virus. De nouveaux tests sont à venir pour l’arbitre de Sarcelles, qui est déjà prêt à enchainer sur ses deux prochains matchs : Strasbourg en Jeep Élite samedi et Sassari en BCL le 24 mars.